De quelle justice est-il question ?

Depuis toujours, une phrase du célèbre cinéaste américain Woody Allen résonne dans ma tête. « Je ne sais pas si Dieu existe. Mais s’il existe, j’espère qu’il a une bonne excuse. » 


Tout porte effectivement à croire que Dieu, si l’on considère son existence, n’a aucune influence sur Terre. Les guerres, conflits, famines, agressions, inégalités, n’ont jamais cessé. La violence perdure depuis des millénaires et progresse même avec une barbarie de plus en plus forte. Le siècle dernier a été marqué par plusieurs génocides, deux guerres d’une ampleur mondiale, à tel point que le nihilisme a fini par dominer. Le XXIème siècle s’est quant à lui ouvert avec la promesse d’un monde pacifié par la mondialisation, mais se trouve désormais confronté à la multiplication des crises. Aujourd’hui, la guerre s’étend aux quatre coins du monde, de l’Ukraine à Gaza, du Soudan au Yémen, peut-être bientôt de Taïwan au Groenland. Près de 800 millions de personnes sont en situation d’extrême pauvreté quand 1% de la population mondiale détient près de la moitié des richesses. Et plus de 100 millions de personnes sont réfugiées, chassées par les conflits, les famines ou le climat. 

 

Comment dès lors croire à l’existence d’une justice divine ? Comment Dieu pourrait-il être synonyme de justice avec toute cette injustice ? 

 

Il y a pourtant une bonne raison : la seule justice divine est celle du temps. Aucune action sur cette Terre ne reste sans conséquence, car le temps produit toujours ce qui est dû, d’où la phrase de Rabelais « le temps est père de la vérité ». Il faut parfois une semaine, un mois, des années, avant que les choses finissent par rentrer dans l’ordre. C’est le cas d’une dispute, d’une rupture, d’un échec mais, également, de questions à plus grande échelle.

 

Ainsi, par exemple, du colonialisme. L’Empire britannique, qui exerçait sa puissance dans le monde entier, paraissait éternel. Et pourtant, il a fini par s’écrouler. Les deux guerres mondiales l’ont fragilisé, mais, surtout, les mouvements de libération ont achevé sa domination. Là où il a fallu des siècles pour le construire, seules quelques années ont suffi pour le défaire. Et les pays colonisés, l’Inde, le Pakistan, la Birmanie, le Sri Lanka, la Libye, le Ghana, la Jamaïque… ont retrouvé leur liberté. De même, la France, qui prétendait civiliser en exploitant, a vu ses possessions se révolter. Du Vietnam en Algérie, de Madagascar à la Tunisie, les guerres d’indépendance ont mis fin au colonialisme et ont redonné droit à ces nations longtemps persécutées. Ces situations peuvent être déclinées à toutes les puissances coloniales, qu’il s’agisse de l’Espagne, du Portugal, de la Belgique, des Pays-Bas… et par extension aux puissances colonisés.

 

Ainsi, également, des régimes d’oppression. Que ce soit l’Espagne dictatoriale sous Franco, défaite après de nombreuses réformes politiques ; du régime d’apartheid en Afrique du Sud, effondré après un mouvement de résistance étendu à l’international ; ou encore des dictatures d’Amérique latine, en Argentine, au Chili, au Brésil, qui ont fini par céder face aux revendications démocratiques. Ainsi, enfin, de tout ce qui est par nature inégal, que ce soit des idéologies, des mouvements, des lois, des idées… 

Avec le temps, la justice finit, toujours, par triompher. Les empires finissent par s’écrouler, les dictatures s’effondrer, et les idéologies mortifères s’éteindre. Car ce qui était imposé finit par être contesté. Ce qui trompait finit par être démasqué. Ce qui était impuni finit par être jugé. Toute injustice porte en elle le germe de sa propre chute.

Cette évolution est à la fois naturelle et humaine. Naturelle, car tout finit par rentrer dans l’ordre. Humaine, car ces changements ont été rendus possibles par l’action des hommes. À travers leurs luttes et leurs combats, les grands protagonistes ont donc accompagné l’ordre naturel des choses. Ainsi de Gandhi, de Martin Luther King, de Mandela, de Rosa Parks, d’Eleanor Roosevelt, d’Olympe de Gouges… Au fond, tous ont été motivés par des aspirations plus grandes qu’eux-mêmes. C’est pour cette raison qu’ils ont écrit l’Histoire.

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